Conférence avec Wolfgang GUST

le 19 avril 2009

Conférence avec Wolfgang GUST

Le 19 avril 2009, Nazarpek-Jeunesse HENTCHAKIAN a organisé une conférence- débat animée par Wolfgang Gust, journaliste et historien allemand, sur le thème du génocide des arméniens dans les archives allemandes.
En présence de plus de 200 personnes au Centre Culuturel Alex Manoogian de l'UGAB, Wolfgang Gust a présenté le résultat de ses recherches sur la responsabilité de l’Allemagne dans le génocide des arméniens*.

Public de la conférence de Wolfgang GUST

Le génocide, un fait méconnu

Jusque la fin des années 80, très peu d'articles étaient parus dans la presse allemande concernant le génocide, rien ne passait dans les grands médias sur la question arménienne à cause du rapport de force à la défaveur des Arméniens - il y a en Allemagne 1 Arménien pour 100 Turcs – et jusqu'à récemment les Arméniens ont de fait été très prudents. Le premier a avoir touché le grand public a été Wolgang Gust en 1989 par la publication d’ une série de 3 articles au Spiegel - l'équivalent du Time Magazine en Allemagne. 2000 Turcs avaient alors protesté devant les bureaux du journal.

Les archives de Lepsius

C'est en découvrant un livre français retraçant l’histoire d’un Arménien et en trouvant des similitudes avec l’holocauste que Wolfgang Gust s'intéresse au génocide des Arméniens. Il poursuit alors ses recherches et trouve le livre du pasteur Lepsius, publié en 1919, grâce auquel une partie de l’Europe prend conscience des faits. Puis, il étudie les archives officielles allemandes et procède, avec l'aide de sa femme, à une comparaison systématique des documents avec les archives de Lepsius. A sa grande surprise, ceux-ci avaient été volontairement expurgés des éléments impliquant le rôle de l'Allemagne.
En effet, le gouvernement allemand avait remis à Lepsius des copies censurées des archives du Ministère des affaires étrangères. Lepsius était-il informé de ces manipulations? Quelque soit la réponse, Lepsius, qui était pro-arménien, n'en restait pas moins un nationaliste allemand, admirateur de l'empereur Guillaume II, comme beaucoup de ses compatriotes à cette époque, et il n'aurait jamais rien fait qui puisse affaiblir d'une manière ou d'une autre l'Allemagne.

Les archives officielles

En étudiant les archives allemandes qui sont, avec les archives américaines, parmi les plus importantes - les Allemands étaient très proches des cercles dirigeants turcs et étaient très informés – Wolgang Gust découvre donc que l'Allemagne est plus impliquée qu'il n'y paraît dans le génocide des Arméniens perpétré par les jeunes Turcs.
Parmi ses découvertes, il existe une fiche manuscrite qui a été mise de côté par les Américains car elle était écrite en Sütterlin (autre forme d'alphabet aujourd'hui disparue). Or, Wolfgang Gust qui maîtrise cet alphabet grâce à sa grand-mère a pu la traduire. Il s'agissait d'une réponse du chancelier Bethmann Hollweg à Wolff-Metternich, ambassadeur pro-arménien à Constantinople. Wolff- Metternich, qui demandait à l'Allemagne d'écrire un article critique envers les Jeunes Turcs, reçu une fin de non recevoir par Hollweg au motif que les Turcs devaient rester à leurs côtés quoi qu'il en coûte, et ce, même aux dépends des Arméniens.
Mais sa découverte la plus importante réside dans l’existence d’un pacte secret qui stipule que le haut commandement militaire de l’armée turque est confié à la Mission militaire allemande. Envers Pacha, qui craignait une attaque russe, voulait désespérément une alliance avec les Allemands; il a donc oeuvré à l'établissement de ce pacte secret. Côté allemand, le chancelier Hollweg et l'ambassadeur Wangenheim n’approuvaient pas cette alliance car ils considéraient que lesTturcs n'avaient rien à offrir en échange. Mais Guillaume II, voulant par tous les moyens contrer les Anglais, a donné l'ordre de signer ce pacte.

La responsabilité allemande

L'existence de ce pacte n'implique pas directement l'Allemagne dans l'élaboration, l'organisation et l'exécution du plan d'extermination. Bien qu'il y ait eu quelques décisions individuelles d'officiers allemands - parmi lesquels le responsable des chemins de fer qui a donné l'ordre de déportation des Arméniens travaillant pour lui - le génocide était un plan turc.
Les allemands résidant en Turquie étaient au courant de ce qui se passait, l’armée était informée et avait le pouvoir d’arrêter les évènements comme à Smyrne en 1917 où un général allemand a défendu aux turcs de déporter des Grecs et des Arméniens. En 1915 et 1916, l’Allemagne a décidé de rester passif. En cela, l’Allemagne est co-responsable du génocide.
Il faut cependant préciser que dans les correspondances entre le Ministère des affaires étrangères et le quartier général, pas un seul document ne mentionne le génocide. Ni l’empereur Guillaume II, ni les hommes politiques à la tête du Reich n’étaient informés, exception faite du Ministre des affaires étrangères – rôle assuré par le chancelier - qui engage de fait la responsabilité politique de l’Allemagne.
Quant à la population allemande, elle n’était pas informée non plus. Lepsius a publié un article bien documenté en 1916 qui n’a pu être envoyé qu’aux paroisses protestantes, soit plus de 20 000 exemplaires. Mais l’église protestante, très nationaliste, a tout simplement ignoré les faits, ce qui ne manqua pas de scandaliser les missions protestantes présentes qui portaient secours aux Arméniens.

La résolution du Bundestag

Il y a quelques années, le parlement allemand a adopté une résolution dans laquelle l‘Allemagne présente ses excuses au nom de l’Allemagne de l’époque pour sa complicité dans les évènements de 1915 mais, le mot « génocide » n’est pas employé en raison de la pression turque. Il y a en particulier, trois pasteurs protestants qui ont fortement oeuvré à cette reconnaissance et qui ont par ailleurs obtenu du Bundestag des fonds pour la recherche. Ces fonds ont été accordés à la maison Lepsius dont les archives ne révèleront rien de plus que ce que l'on connait déjà.

Les perspectives

En réalité, le cercle des chercheurs sur le génocide des Arméniens est très restreint en Allemagne. Il n'existe pas de faculté d'histoire menant des recherches académiques et les personnes telles que Wolfgang Gust ne bénéficient d'aucun soutien et sont considérées comme dangereuses. Les Allemands craignent qu'en plus de l'holocauste ils ne soient également responsables d'un autre génocide, fut-ce par négligence.
Heureusement, un nouveau courant d'historiens est en train de naître en Allemagne. Ils considèrent qu'il n'y a pas de différence entre la première et la deuxième guerre mondiale, que les deux sont un seul et même ensemble. Cette nouvelle approche aidera certainement l'Allemagne à mettre en lumière toute la réalité historique.

Wolfgang Gust et le parti Hentchakian

Wolfgang Gust et Nazarpek

*En 2005, W.Gust publie son ouvrage « Le Génocide arménien 1915-1916 », qui comporte une sélection des documents les plus importants. Ce livre existe déjà en arménien et en russe. D’ici fin 2009, il sera publié en anglais par l’Institut Zorian.

De plus, les recherches de Wolfgang Gust sont disponibles sur le site www.armenocide.net.

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