Conférence - Débat : Turquie le putsch permanent

le 22 novembre 2010

Turquie: le putsch permanent

NAZARPEK Jeunesse HENTCHAKIAN à invité Erol Ozkoray à l'occasion de la parution de son livre, au titre éloquant, “Turquie: le putsch permanent” aux éditions Sigest.

Un exposé, durant lequel l'auteur a développé les thèmes contenus dans son ouvrage, a précédé un débat très nourri avec le public sur les problèmes de démocratie en Turquie, sujet qui nous concerne bien entendu en tant qu'arménien puisqu'il hypothèque le dialogue, nécessaire, entre turcs et arméniens.

Conférencier de la conférence-débat le Putsch permanent

Spectateurs de la conférence-débat le Putsch permanent

L'idée principale qui ressort de l'analyse d'Erol Ozkoray est que le vrai pouvoir en Turquie est entre les mains de l'état-major de l'armée qui est le réel décisionnaire sur les dossiers comme le génocide des arméniens, le problème kurde ou l'occupation de Chypre. Ce mode de fonctionnement, qualifié de “totalitarisme sournois” avec une façade démocratique – dans la mesure où il existe des élections parlementaires, mais où aucun parti politique ne peut réellement s'opposer à l'armée – est rendu possible par l'instauration d'une constitution qui date de 1982 suite au coup d'état de l'armée en 1980. Malgré les révisions successives, le pouvoir de l'armée n'a jamais été remis en cause.

Ce pouvoir se matérialise notamment par le “Conseil National de Sécurité (CNS) où siègent le chef d'état-major et les quartre chefs des armées (terre, marine, air et gendarmerie) face aux membres du gouvernement”. Chaque réunion du CNS est considéré par Erol Ozkoray comme un “putsch permanent”. Plus précisémment, Erol Ozkoray explique que la Turquie est dirigé depuis 1997 par une “cellule de crise où le secrétaire général du CNS exerce son pouvoir au nom de son patron, l'état-major. Cet organe d'exeption, avec le temps, est devenu la règle. Créée en 1997 dans le but de mieux cerner le Premier ministre islamiste Necmettin Erbakan, cette cellule de crise, sous prétexte que le pays était soumis à un danger terroriste perpétuel (le problème kurde), est devenue une arme entre les mains des militaires pour un contrôle efficace du gouvernement.”

Outre le CNS, il existe également un document “une sorte de pseudo-constitution secrète de l'armée (Acte Politique de Sécurité Nationale-MGSB) qui consiste en l'énumération des lignes rouges de l'Etat turc” dont fait partie la non reconnaissance du génocide des arméniens. Ainsi, lorsque qu'un gouvernement tente des ouvertures sur les questions sensibles, l'armée intervient immédiatement.

L'affaire Ergenekon a révélé au grand jour l'intervention de l'armée dans la vie politique, mais tant que la constitution du pays n'est pas révisé en profondeur, rien ne permettra de remettre en cause le fonctionnement de l'Etat turc et l'instauration d'une vraie démocratie.

Les échanges se sont poursuivis lors de la séance de vente dédicacée du livre et autour d'un cocktail.

Erol Ozkoray lors la conférence-débat le Putsch permanent

Biographie

Erol Ozkoray vit entre Paris et Istanbul où il est né.

Il est politologue et conseiller en communication politique. Il a conseillé l'ex Premier Ministre Mesut Yilmaz et fait sa campagne pour les législatives en 1991 avec Jacques Séguéla. Il a conseillé le leader social-démocrate Deniz Baykal entre 98 et 2002. Il a été conseiller en communication en Turquie, du ministre des affaires étrangères de la Grèce, Georges Papandréou de 2001 à 2004 dans le cadre de la politique de rapprochement entre les deux pays.

Erol Ozkoray est également auteur, il a entre autre écrit :
- Totalitarisme à la turque : Ecrits politiques et interviews (1978-2006), aux Editions Belge, 2006; et
- A quoi sert l'armée ? Procès kafkaïen, Editions Belge, 2007;

Enfin, Il a été journaliste et éditeur de la revue Idea Politika de 98 à 2002, date à laquelle il a été contraint de suspendre sa parution après avoir fait l'objet de plusieurs saisies et mesures d'interdiction de la part des autorités turques.

L'état-major des armées a engagé contre lui une vingtaine de procédures judiciaires, dont 15 procès. Dans ces procès, le procureur a requis au total près de cinquante ans d'emprisonnement sur la base de l'article 159, aujourd'hui devenu l'article 301 du Code pénal qui réprime les critiques contre l'armée.

Son combat juridique, qui a duré de 2000 à 2009, s'est terminé par une victoire sur l'armée, puisqu'Erol Ozkoray a remporté tous ses procès.

Erol Ozkoray et Nazarpek

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