Conférence - Evènements du 1er mars 2008

le 01 mars 2009

Conférence - Evènements du 1er mars 2008

Un an après les événements tragiques qui ont suivis les dernières élections présidentielles en Arménie, un collectif d'organisations arméniennes [1] a tenu une conférence-débat le 1er mars 2009 a Paris.

La projection d'un film documentaire a permis de retracer les différentes phases qui ont conduits aux affrontements entre civils et forces de l'ordre : campagne présidentielle, élections truquées, vague de contestation prenant la forme de rassemblement place de l'opéra, évacuation musclée des manifestants le matin du 1er mars suivie d'un rassemblement massif et spontané devant l'ambassade de France, enfin, le soir même, la répression dans le sang faisant officiellement 10 morts.

Une compilation d'images vidéo d'une violence inouïe, dignes de scène de guerre, ont montré à un public médusé l'usage disproportionnée de la force par les autorités contre les manifestants : matraquage, tirs d'armes à feu à hauteur d'homme, piéton se faisant renverser par une voiture de police lancée à toute allure…

Depuis, l'Arménie connaît une grave crise politique et institutionnelle. Une chasse à l'homme a eu lieu dans le camps de l'opposition donnant lieu à des arrestations massives et des procès fantasques aboutissant à la détention de prisonniers politiques. A ce jour, aucune enquête impartiale n'a établi la responsabilité des 10 morts. C'est dans ce contexte, où une possibilité de réconciliation nationale semble être renvoyée aux calanques grecques, que sont intervenus Gérard Malkassian au nom de Solidarité Franco-Arménienne, Maître Alexandre Couyoumdjian président de l’AFAJA [2], et Areg Aivazian pour le Comité de Soutien à la Démocratie en Arménie, dans un débat mené par Isabelle Kortian.

Les intervenants de la conférence
de gauche à droite: G. Malkassian, Maître A.Couyoumdjian, I.Kortian, A.Aivazian

Mission de l'AFAJA

Me Coujoumdjan a ouvert le débat en exposant le rôle de l’AFAJA depuis des années dans la défense des droits des accusés poursuivis dans le cadre de procès "politiques" en Arménie. Il est notamment revenu sur le rapport de mission d’enquête et d’observation effectué du 7 au 12 mai 2008 à Erevan par l’AFAJA. Cette mission effectuée dans des conditions extrêmement difficiles, n'a pu porter que sur quelques cas, mais qui à eux seuls caractérisent des jugements expéditifs, des procédures montées de toute pièce, des faux témoignages de policiers, le manque de preuves à charge, etc.

Cas de prisonniers politiques

Me Coujoumdjan a exposé le cas de M.Gaspari pour qui la cour a refusé d’examiner une preuve matériel, en l’occurrence une vidéo qui contredisait le témoignage des policiers, les cas de Miasnik Malkhassian et Hakob Hakobian, tous deux députés, et dont l'immunité parlementaire a été bafouée, le cas d'Alexandre Arzoumanian, ancien ministre des affaires étrangères, impliqué dans le « procès des 7 » sur qui le pouvoir tente de rejeter la responsabilité des 10 morts, et le cas de Gaguik Djhanguirian, interpelé en compagnie de son frère handicapé, sur qui la police n’a pas hésité à tirer.

Témoignages sur les évènements du 1 mars

Me Coujoumdjan a également révélé des témoignages anonymes: celui du père d’une des victimes cherchant la vérité sur la mort de son fils, dont le corps a été découvert à un endroit éloigné des manifestations, celui d'un haut fonctionnaire qui, s'inquiétant du pillage d'un magasin, interpela un policier qui lui répondit que les pilleurs étaient sous son contrôle, celui enfin d'un membre de l'opposition dont le fils a reçu une balle alors qu’il fumait tranquillement à son balcon, ce qui conforte la thèse d'une intervention de snipers.

Evacuation des manifestants de la place de l'opéra

Selon Me Coujoumdjan, le mouvement d'opposition a dépassé le seul soutien au candidat Levon Ter Petrossian. Des choses ont changé en Arménie. On a observé une lame de fonds d’une contestation exceptionnelle, et c'est pour casser ce mouvement populaire que le pouvoir a dispersé les manifestants de la place de la Liberté le matin du 1er mars.

Armes découvertes sur la place de l'opéra

Cette action n'était judiciairement pas justifiée. Revenant sur les armes découvertes sur la place de l’opéra le matin du 1er mars, Me Coujoumdjan s'étonne que des preuves à conviction aient été manipulées sans précaution (empruntes digitales) en présence des caméras de la chaîne publique retransmettant largement ce qui ressemblait fort à une mise en scène puisqu'à ce jour aucun lien entre ces armes et les 10 morts ou les dizaines de blessés n'a pu être démontré.

Rôle des instances européennes

Gérard Malkassian a présenté l'action menée par SFA auprès du Conseil de l'Europe, plus particulièrement auprès de la commission de l'APCE chargée de suivre l'évolution de l'Arménie et exigeant de celle-ci des améliorations. Notons que l'APCE a déjà menacé l'Arménie de sanction par rapport à l'existence de prisonniers politiques et que cette menace est toujours d'actualité. La deuxième institution auprès de laquelle intervient SFA est l'Union Européenne, à travers son Conseil des Ministres, la Commission Européenne et le Parlement Européen.

Société civile arménienne

Arek Aivazian a représenté quant à lui la société civile de la République d'Arménie. Il a rappelé au public que la société civile arménienne a pris corps à la fin des années soviétiques avec les 1ères manifestations monstres pour le mouvement Karabagh. Pour lui, elle est sortie de son sommeil l'année dernière, mais c'est une société «entrainée» à défendre ses droits. D'ailleurs, les poings levés des manifestants après la dernière élection présidentielle ne sont pas sans rappeler ceux de 1988. Il est ensuite revenu sur l’état d’esprit qui règne en Arménie, dénonçant la stabilité économique sur fond de criminalité, les hommes d'affaires qui siègent au parlement arménien mais qui ne créent pas de richesse, alors que dans le même temps le fisc presse les petites entreprises. Il a finalement exprimé son inquiétude face à un pouvoir que rien ne semble arrêter, pas même la crainte de sanctions européennes, tant il a des intérêts personnels à défendre. Il a tout de même salué la renaissance d'une société civile arménienne, notamment à travers une jeunesse massivement présente dans le mouvement de contestation, et a rappelé qu'il faudra désormais du temps à la société pour qu'elle élabore et mature son sens critique.

Conclusion

Kevork Satchlian, représentant du parti Social Démocrate Hentchakian, a enfin conclu la séance de questions-réponses en insistant sur l'absolue nécessité de créer les conditions d'un dialogue entre le pouvoir et l'opposition mais aussi entre l'Arménie et sa Diaspora.

[1] Comité de Soutien à la Démocratie en Arménie, Parti Social-Démocrate Hentchakian, Solidarité Franco-Arménienne, Collectif Démocratie pour l'Arménie, Comité Européen de Défense des Prisonniers Politiques en Arménie

[2] Association Française des Avocats et Juristes Arméniens

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